Depuis le 05 mai 2014, les sociétés émettrices d’actions doivent se conformer à l’exigence de dématérialisation de leurs valeurs mobilières. L’article 744-1 de l’Acte Uniforme portant sociétés commerciales dispose à cet effet que : « les valeurs mobilières quelle que soit leur forme doivent être inscrites en compte au nom de leur propriétaire ». Consacrée un (01) mois plus tôt en droit camerounais, la dématérialisation des valeurs mobilières est définie par l’article 1er alinéa 2 de la loi n° 2014/007 du 23 avril 2014 fixant les modalités de dématérialisation des valeurs mobilières, comme étant :
« Une opération de substitution des certificats physiques des titres, par l’inscription en compte des titres sous forme électronique».
Les valeurs mobilières en elles-mêmes constituent des titres financiers émis par des personnes morales. Leur détention donne le droit à une quotité de capital (pour les actions), ou à un droit de créance (pour les obligations). Le droit OHADA prévoit d’ailleurs deux (02) formes de valeurs mobilières que sont les titres de capital et les titres de créances. Elles étaient jusque-là représentées par des certificats physiques détenus directement par leurs titulaires. Leur transmission s’opérait par la remise physique du certificat de main à main à l’acquéreur. Ce mode de gestion des valeurs mobilières présentait de nombreuses lacunes. Ainsi en était-il : des lenteurs observées dans le traitement des opérations sur les titres ; et la perte du droit de propriété sur lesdits titres du fait de la perte ou dépossession du certificat physique, le nouveau détenteur en devenant le propriétaire[1].
Il était donc nécessaire d’accroître la sécurisation des titres sociaux, simplifier les opérations y relatives en modernisant le système de gestion des titres, éliminer l’usage abusif des titres au porteur et viabiliser le marché financier des titres en dématérialisant les titres sociaux.
Ainsi, les sociétés par actions existant au 05 mai 2014, date d’entrée en vigueur de la version révisée de l’Acte Uniforme OHADA portant société commerciales, avaient jusqu’au 05 mai 2016 pour dématérialiser leur actions. Elles pouvaient alors continuer d’émettre des titres non dématérialisés durant cette période transitoire. Les sociétés qui, à l’échéance de cette date, n’avaient toujours pas dématérialisé leurs titres, bénéficient d’un délai allongé au 23 avril 2018 pour se soumettre à cette exigence, toute opération sur les titres étant alors proscrite jusqu’à leur dématérialisation.
L’importance de plus en plus accrue accordée à la dématérialisation des valeurs mobilières par les législations tant nationales que communautaires (CEMAC et OHADA) donne à s’interroger sur le mécanisme de cette opération (1), ainsi que les enjeux qu’elle implique (2).
1. LE MECANISME DE DEMATERIALISATION DES TITRES SOCIAUX
Les titres sociaux étaient représentés par des certificats d’actions. Et la société émettrice conservait la souche. Le talon était détaché et remis au titulaire des actions. La transmission des titres se faisait par remise du certificat de main à main pour les titres au porteur, et destruction du certificat du cédant puis établissement d’un nouveau certificat au cessionnaire, lorsqu’il s’agissait d’actions nominatives.
La dématérialisation des valeurs mobilières implique que désormais, les titres sociaux n’ont plus d’existence matérielle et résultent de la destruction des certificats physiques et inscription électronique dans un compte tenu par un teneur de compte conservateur.
L’article 3 (1) de la loi du 23 avril 2014 relative aux modalités de dématérialisation des valeurs mobilières au Cameroun dispose à cet effet que :
«La dématérialisation des valeurs mobilières s’opère par leur inscription en compte, au nom de leurs propriétaires, auprès de l’émetteur ou d’un teneur de compte-conservateur».
Il en découle que :
1.1. Seules les sociétés par actions sont concernées par la dématérialisation des valeurs mobilières
Conformément aux dispositions de l’Acte uniforme OHADA portant sociétés commerciales, seules les sociétés anonymes émettent des valeurs mobilières que sont les titres de capital et les titres de créances autres que les titres du marché monétaire.
Par extension, il faudrait ajouter à celles-ci les sociétés par actions simplifiées, et ce, en vertu de l’article 853-3 de l’Acte Uniforme précité, qui dispose que : « Sauf quelques exceptions près (les dispositions sur les valeurs mobilières n’en constituant pas une), les règles concernant les sociétés anonymes sont applicables aux sociétés par actions simplifiées.
1.2. Les titres sociaux dématérialisés doivent être inscrit dans un compte tenu par un teneur de compte conservateur agréé avec possibilité pour la société émettrice de tenir ses propres comptes
Référence faite des dispositions[2] du décret du 17 novembre 2014 relatif aux modalités d’application de la loi du 23 avril 2014 sur la dématérialisation des valeurs mobilières, les comptes-titres sont tenus soit par la société émettrice des valeurs mobilières, soit par un teneur de compte-conservateur agréé par la commission des marchés financiers. Toutefois, il y a lieu de préciser que cette faculté n’est ouverte que pour la tenue des titres nominatifs, les titres au porteur étant tenues exclusivement par un teneur de compte-conservateur agréé[3]. L’intérêt de la tenue exclusive des titres au porteur par un teneur de compte-conservateur agréé réside dans le souci de conserver l’anonymat de leurs titulaires à l’égard de la société émettrice.
Quel que soit le mode de tenue, tous les comptes sont également centralisés dans un autre compte tenu par le dépositaire central
1.3. Les opérations sur titres ne se font que par virement avec inscription dans le registre des actionnaires
La dématérialisation des titres impliquant leur inscription en compte, l’article 744 de l’Acte Uniforme portant droit des sociétés commerciales et l’article 4 (2) de la loi du 23 avril 2014 précisent que la transmission des titres s’opère par virement de compte à compte.
Les modalités de fonctionnement et de constatation des mouvements de titres entre les comptes-titres sont ainsi garanties par le fait que, lesdits comptes sont tenus selon les règles de la comptabilité en partie double[4].
2. LES ENJEUX DE LA DEMATERIALISATION DES TITRES SOCIAUX
2.1. Ce que gagne les sociétés qui s’y conforment
La dématérialisation serait tout d’abord l’occasion de faire le point sur l’actionnariat des sociétés existantes et d’apurer les suspens[5]. Le souci est de ne pas transporter dans l’immatériel, les aléas des certificats physiques ou matériels et de mettre à jour la tenue de son secrétariat juridique. La dématérialisation des valeurs mobilières comporte par ailleurs un triple avantage pour les sociétés émettrices.
D’abord sur la sécurité des titres sociaux. Ceux-ci ne peuvent plus être perdus ni volés. Il faut en effet savoir que, la perte ou le vol des titres au porteur entrainaient ipso facto la perte de la qualité d’actionnaire. Le nouveau détenteur du certificat physique en devenant le nouvel actionnaire en vertu de la règle : « En fait de meuble possession vaut titre».
Ensuite sur la souplesse et la célérité des opérations sur les titres sociaux. La transmission des titres se fera désormais par simple virement de compte à compte. A titre illustratif, le cédant signe un ordre de mouvement par lequel, la société émettrice constate sur le registre d’actionnaires l’opération intervenue. Elle procède au virement des titres du compte du cédant à celui du ou des cessionnaires. La transmission devient ainsi opposable à la société et aux tiers à compter de l’inscription en compte.
Enfin sur la possibilité de faire des emprunts à des taux réduits. En effet, seules les sociétés ayant dématérialisé leurs titres pourront souscrire à des titres de créances émis par la BEAC à des taux relativement bas.
2.2. Ce que risquent les sociétés qui ne s’y conforment pas
Le non-respect par les entreprises de l’exigence de dématérialisation dans les délais requis entrainerait des sanctions juridiques et bientôt fiscales.
Sur le plan juridique, les propriétaires qui n’auront pas dématérialisé leurs titres encoureraient en principe les risques suivants :
- Suspension de tous droits attachés à ces titres à compter du 24 avril 2018 (droit au vote, droit aux dividendes, droit préférentiel de souscription) ;
- Mise en vente des droits attachés à ces titres à partir du 24 avril 2019 conformément à l’article 11 (1) de la loi ci-dessus.
- Blocage de toute opération sur le capital social (opérations d’augmentation, de réduction de capital, cession…).
[1] En ce qui concerne notamment les titres au porteur
[2] Article 2 dudit décret
[3]– En application des articles 5 et 8 du décret d’application du 17 novembre 2014
[4] – Article 5 du décret d’application du 17 novembre 2014
[5] – géographie pas toujours maîtrisée du capital, crises non aplanies de contrôle des sociétés, des successions, des actionnaires historiques et des investisseurs successifs,
Par Jean ZOA ZOA