La notification par erreur du contribuable

Il arrive que l’administration fiscale interpelle un contribuable à la place d’un autre. C’est dans ce cas, qu’il convient d’inscrire la question de la notification par erreur du contribuable. Par notification, il faut entendre le fait de porter à la connaissance d’une personne un fait, un acte ou un projet d’acte qui la concerne individuellement.

En matière fiscale, c’est le fait par l’administration de faire connaître à un contribuable la décision qui le concerne spécialement[1]. Quant à l’erreur, elle désigne le fait de se tromper, qui entache d’un vice la formation d’un acte[2]. Et le contribuable renvoie à une personne qui doit déclarer son activité à l’administration fiscale[3]. Le redevable est la personne qui doit payer l’impôt[4]. Cependant, le contribuable peut être redevable (redevable principal) d’une part ; le contribuable peut être différent du redevable (redevable réel). Au terme de ces définitions, la notification par erreur du contribuable serait le fait pour l’administration fiscale de porter à la connaissance d’une personne qui doit payer l’impôt, une décision qui ne la concerne pas. En pareille circonstances, le contribuable doit réagir.

La présente analyse se propose d’examiner d’une part la possibilité d’une notification par erreur du contribuable (1) et d’autre part la réponse du contribuable notifié par erreur (2).

  1. LA POSSIBILITE D’UNE NOTIFICATION PAR ERREUR DU CONTRIBUABLE

La possibilité de notifier par erreur le contribuable repose sur certains éléments. Le premier suppose que l’administration fiscale doit prendre une décision. Le deuxième consiste dans l’existence de plusieurs personnes touchées par la décision. Et le dernier est que l’administration fiscale se trompe sur la personne recherchée. 

Le premier élément porte sur la décision de l’administration fiscale. Avant de décider, le contribuable est tenu de déclarer son activité[5]. C’est après celle déclaration que les agents des impôts vont effectuer un contrôle[6]. Les agents des impôts peuvent aussi aller à la recherche de l’activité productrice de bénéfice pour prélever l’impôt. Cela veut dire que la personne n’a pas déclaré son activité. Dans l’un ou l’autre cas, une décision doit être prise et notifié. Pour le contribuable, qui a déclaré son activité, l’administration fiscale peut prendre une décision au contenu variable : un avis de mise en recouvrement (AMR[7]) pour le contribuable qui refuse de payer, un avis à tiers détenteur[8]pour que la personne qui détient les biens du contribuable défaillant les bloquent. Pour le contribuable qui n’a pas déclaré son activité, l’administration fiscale va le mettre en demeure de déclarer[9].

Le deuxième et le dernier élément se complètent. Il est question d’avoir plusieurs contribuables ; et une décision qui touche un contribuable à la place d’un autre. C’est la substance même de l’erreur dans la notification. La décision de l’administration fiscale va porter à la connaissance d’un contribuable un fait, qui ne le concerne pas spécialement. En clair, il s’agit de notifier un contribuable à la place d’un autre. On parle de l’erreur sur le contribuable. Pour un contribuable dont l’activité est déclarée, la notification par erreur consiste à porter à sa connaissance un AMR, qui ne porte pas son nom. Il y a aussi erreur si l’avis à tiers détenteur est adressé à une autre personne. Pour un contribuable dont l’activité n’est pas déclarée, la notification par erreur consiste à lui présenter un AMR d’une personne déjà déclarée. Pour toutes ces erreurs à la notification, le contribuable a une réponse.

  1. LA REPONSE DU CONTRIBUABLE NOTIFIE PAR ERREUR

Le contribuable notifié par erreur peut décider de payer une dette fiscale destinée à une autre personne. Cependant, une telle décision relève d’un amour pour autrui, qu’on ne retrouve pas dans notre société. La plupart de temps, le contribuable notifié par erreur va chercher à faire échec à cette mesure. Comment peut-il y parvenir ? il serait souhaitable qu’il trouve une disposition du code général des impôts du Cameroun, intitulé : « erreur sur l’identité du redevable ». En l’absence de cette disposition, le contribuable peut remettre en cause la notification erronée pour violation de l’obligation de précision prescrite pour toute rédaction des notifications de redressement.

 Ce principe est rappelé dans la Circulaire-Cadre N° 004/MINFI/DGI/LC/C du 08 mai 2008 relative au contentieux fiscal, Première partie, Section II, A-De la rédaction des notifications, en ces termes : « Les notifications, en matière de contrôle fiscal désignent différents documents émanant de l’administration par lesquels cette dernière fait connaitre au contribuable les anomalies auxquelles elle entend apporter des corrections susceptibles de générer des compléments d’imposition. Eu égard à leurs effets, vous veillerez donc à ce qu’elles soient précises, motivées en droit et en faits…». Bien plus, le Directeur Général des Impôts a indiqué dans ladite circulaire les sanctions liées au non-respect des règles de rédaction de notifications de redressement parmi lesquelles l’obligation de précision. Il y est clairement indiqué que :« A titre de rappel, le manquement à ces obligations et la nullité qui s’y attache se rapportent à chacun des chefs de redressement concerné. (…). Je vous demande d’accorder beaucoup d’attention à la préparation des correspondances destinées aux contribuables et qui, dans le cas spécifique du contentieux fiscal créent des droits à leur profit».

Le contribuable va donc répondre à la notification erronée par une action en nullité[10]. Une telle démarche est-elle utile pour le contribuable ? Sur la forme, le contribuable gagne en temps pour mieux préparer les arguments de sa défense. La raison est que l’administration va corriger la notification. Sur le fond, le contribuable est considéré comme déjà saisi. Les délais commencent ainsi à courir en attendant la correction de la notification[11].

De ce qui précède, il ressort que la réponse du contribuable aura une efficacité variable en cas de notification par erreur.

Pour une erreur sur l’identité de la personne du contribuable, sans erreur sur la matière imposable, le contribuable est effectivement notifié. L’action en nullité n’est pas efficace. En revanche, pour une erreur sur l’identité de la personne et une erreur sur la matière imposable, le contribuable n’est pas notifié. L’action en nullité est efficace. Le contribuable gagnera à connaître ces détails, car toutes les erreurs l’identité n’ont pas la même importance.

[1] Cornu (G.), (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10e édition, 2014, p. 690.

[2] Cornu (G.), op.cit., p. 412.

[3] Ateck A Djam (F.), Droit du contentieux fiscal camerounais, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 187.

[4] Ibid.

[5] Article L 1 du CGI de 2017.

[6] Article L 9 du CGI de 2017.

[7] Article L 53 du CGI de 2017.

[8] Article L 71 du CGI de 2017.

[9] Article L 3 du CGI de 2017.

[10] Tribunal administratif de Dijon, 1re chambre, 14 janvier 1997, req. n° 94-1136, M. Martin. Lorsque des opérations commerciales passibles de la TVA sont effectuées par une société de fait, l’imposition doit être établie au nom de cette dernière. En l’établissant au nom d’un associé, l’Administration commet sur l’identité du redevable une erreur de nature à entraîner la nullité de l’imposition (TA Dijon, 1ch., 14 janv. 1997, req. n° 94-1136, M. Martin). Observations. — Cette décision est conforme à (…).

[11]L’accusé de réception d’une proposition de rectification, visant une plus-value immobilière, comportant une erreur dans l’adresse du contribuable avait été signé par un tiers. Cependant le notaire du contribuable, qui avait établi l’acte de vente de l’immeuble, s’était référé à cette proposition dans une lettre adressée au service. Il a été jugé :- qu’une telle proposition de rectification, en dépit de l’erreur figurant dans l’adresse du contribuable avait atteint son destinataire ;- que la notification devait être considérée comme réalisée à la date figurant sur la lettre adressée par le notaire (CE, arrêt du 26 mai 1976, n° 99650).-Dans le même sens, la circonstance que la proposition de rectification ait été envoyée à une adresse erronée a été jugée sans influence dès lors que le contribuable l’a reçue (CE, arrêt du 20 février 1985, n° 39700, Cass. Com. 26 février 2008, n° 310 F-D).

 

Par Pr. Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA