Analyse de la Loi n° 2017/015 du 12 juillet 2017 sur les incitations à l’investissement privé au Cameroun

Dans le but de booster sa croissance économique, ralentie par la chute des cours des matières premières et l’insécurité frontalière, le Cameroun a entrepris depuis un certain nombre d’années de prendre des mesures destinées à stimuler l’investissement, gage de croissance. Ainsi parmi les mesures mises en œuvre, l’on a noté la multiplicité des fora économiques et la mise en place d’une batterie de mesures en vue de l’amélioration du climat des affaires notamment la dématérialisation des procédures relatives aux marchés publics, la dématérialisation des procédures en matière fiscale…

Toutefois, conscient du fait que l’attractivité de la destination Cameroun en terme d’investissement passe par l’implémentation d’un régime fiscal, douanier et financier séduisant, le parlement camerounais a adopté en 2013, la loi n° 2013/004 du 13 Avril 2013 fixant des incitations aux investissements privés en République du Cameroun. Ce texte venait abroger la loi n°90/007 du 29 Janvier 1990 portant code des investissements et la loi n° 2002/004 du 19 Avril 2004 portant charte des investissements applicables au Cameroun. Mais au regard des lourdeurs et lenteurs administratives résultant de la mise en œuvre des dispositions édictées par ladite loi, une loi modifiant et complétant certaines dispositions a été adoptée par le Parlement camerounais en vue de remédier à ces insuffisances.

L’analyse de la loi n° 2017/005 modifiant et complétant les dispositions de la précédente loi portant incitation aux investissements privés au Cameroun amène à s’interroger sur le contenu des amendements intervenus et le bénéfice de cette loi à l’endroit des investisseurs.

Le nouveau régime des investissements privés au Cameroun, intègre donc une nouvelle donne. Elle consiste à faciliter l’obtention de l’agrément (1), qui donnera droit à des avantages pour les investisseurs agréés (2).

1. UNE OBTENTION FACILITEE DE L’AGREMENT POUR L’INVESTISSEUR

1.1. La déconcentration de l’organe délivrant l’agrément

Suivant les dispositions de l’article 19 de la loi n° 2017/015 du 12/07/2017 modifiant et complétant les dispositions de la loi n°2013/004 relative aux incitations à l’investissement privé en République du Cameroun : « L’agrément est accordé à l’investisseur par l’organisme en charge de la promotion des investissements ou des petites et moyennes et entreprises, après avis du Ministre en charge des finances, dûment annexé à l’agrément. (…). »

En effet, contrairement à l’ancienne disposition de la loi sur les incitations aux investissements privés, qui conférait le pouvoir de délivrance de l’agrément au Ministre en charge des investissements (Ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique) ; l’agrément est désormais délivré par l’Agence de Promotion des Investissements ou des Petites et Moyennes Entreprises. Il s’agit donc de la résolution du problème de lenteur et lourdeur procédurales, qui était engendré par la loi modifiée.

L’allègement de la procédure d’obtention de l’agrément

Conformément aux dispositions des articles 18 et 19 nouveau de la loi suscitée, la procédure d’agrément débute par le dépôt d’un dossier auprès du Guichet Unique. Il dispose d’un délai de cinq (05) jours pour l’examen du dossier et le transmettre au Ministre des Finances pour avis. Le Ministre en charge des Finances dispose d’un délai de quinze (15) jours pour donner son avis. Le silence gardé par celui-ci vaut avis favorable. En cas d’avis favorable du Ministre en charge des finances, l’organisme en charge de la délivrance de l’agrément dispose d’un délai de trois (03) jours pour délivrer l’agrément. L’on peut donc noter à travers cette loi réformatrice, une certaine rallonge de deux jours du délai de délivrance de l’agrément. En effet, en vertu de la loi ancienne, le délai d’examen du dossier par le guichet unique était de trois (03) jours.

2. LES AVANTAGES ACCORDES A L’INVESTISSEUR AGREE

2.1. Le bénéfice des exonérations fiscales et douanières

Conformément aux dispositions des articles 5, 6, 7 et 8, les titulaires disposant d’un agrément au régime des incitations aux investissements privés peuvent bénéficier pendant les phases d’installation[1] ou d’exploitation[2], des exonérations fiscales et douanières ci-après :

2.1.1. Les exonérations fiscale et douanière pendant la phase d’installation

Pendant la phase d’installation, l’investisseur bénéficie des avantages suivants :

  • Exonération des droits d’enregistrement des actes de création ou d’augmentation de capital ;
  • Exonération des droits d’enregistrement des baux d’immeubles à usage professionnel faisant partie du programme d’investissement ;
  • Exonération des droits de mutation sur l’acquisition des immeubles, terrain et bâtiments indispensables à la réalisation du programme d’investissement ;
  • Exonération des droits d’enregistrement des contrats de fourniture des équipements et de construction des immeubles et installations nécessaires à la réalisation de leur programme d’investissement ;
  • Déduction intégrale des frais d’assistance technique au prorata du montant de l’investissement réalisé déterminé en fonction du montant global de l’investissement ;
  • Exonération des droits d’enregistrement des contrats de concession ;
  • Exonération de la patente ;
  • Exonération des droits et taxes de douanes sur tous les équipements et matériels liés au programme d’investissement ;
  • Exonération de la TVA due à l’importation des équipements et matériels liés au programme d’investissement ;
  • Enlèvement direct des équipements et matériels liés au programme d’investissement lors des opérations de dédouanement.

2.1.2. Les exonérations fiscale et douanière pendant la phase d’exploitation

Pendant la phase d’exploitation, l’investisseur peut bénéficier des exemptions ou réductions au paiement des droits, taxes et impôts notamment :

  • Le minimum de perception, l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur les bénéfices
  • Les droits d’enregistrement relatifs aux prêts, emprunts, avances en compte courant, cautionnement, augmentation, réduction, remboursement et liquidation du capital social ou à un quelconque transfert d’activités, de droits de propriété ou de jouissance immobilière, de baux ou d’actions.
  • Impôt sur le revenu des capitaux mobiliers à l’occasion de la distribution de revenus ;
  • La taxe spéciale sur le revenu en phase de développement de projet et de construction sur les paiements effectués à des sociétés de produits pétroliers

En outre il peut bénéficier :

  • Du report des déficits jusqu’au cinquième exercice suivant celui de leur survenance ;
  • L’exemption au paiement de droits, taxes et redevances de douane sur les importations de biens d’équipement destinés à être affectés et utilisés pour son programme d’investissement.

Enfin, l’investisseur peut bénéficier d’un crédit d’impôt à la condition de remplir l’un des critères ci-après :

  • Embaucher au moins cinq (05) jeunes diplômés de l’Enseignement supérieur par an ;
  • Lutter contre la pollution ;
  • Développer des activités sportives, culturelles ou sociales ;
  • Développer des activités d’intérêt public dans les zones rurales.

2.2. Le bénéfice des incitations financières et administratives

Bien que soumis à la réglementation financière en vigueur au Cameroun, les investisseurs disposant d’un agrément au régime des incitations aux investissements privés peuvent bénéficier des avantages ci-après :

  • Le droit d’ouvrir au Cameroun et à l’étranger des comptes en monnaie locale et en devises et d’y effectuer des opérations ;
  • Le droit d’encaisser et de conserver librement à l’étranger des fonds acquis ou empruntés à l’étranger et d’en disposer librement ;
  • Le droit d’encaisser et de conserver librement à l’étranger les recettes liées à leurs opérations, des dividendes et produits de toute nature des capitaux investis, ainsi que les produits de la liquidation ou de la réalisation de leurs avoirs ;
  • Le droit de payer directement à l’étranger les fournisseurs non-résidents de biens et services nécessaires à la conduite de leurs activités ;
  • Le libre transfert des dividendes et du produit de la cession d’action en cas de désinvestissement.
  • Le personnel expatrié employé par l’investisseur et résidant au Cameroun bénéficie de la libre conversion et du libre transfert dans son pays d’origine, de tout ou partie des sommes qui lui sont dues.

[1] Phase d’installation : Période ne pouvant excéder 5 ans et correspondant à la période de mise en place de l’unité de production

[2] Phase d’exploitation : Période n’excédant pas 10 ans et correspondant à la phase de réalisation effective des activités de production.

Elle débute pour les nouveaux investisseurs dès la fin de la phase d’installation ou avant la fin de celle-ci dès la commercialisation des produits constatés par l’Agence de Promotion des Investissements ou l’Agence en charge de la promotion des petites et moyennes entreprises. Pour les investisseurs déjà installés dès la mise en service des nouveaux investissements constatée par les organes ci-dessus indiqués.

Par Jean Stive MBA BISSA